Madame la Présidente ne croit pas aux droits des femmes
Pour la première fois dans l'histoire du pays, le Népal vient d'élire une femme présidente de la République !
Mes amis occidentaux m'envoient des messages pour me féliciter.
« Incroyable ! », disent-ils.
Je ne dis rien...
Les médias nationaux et internationaux en ont fait leurs gros titres et traitent cet événement comme une révolution.
Je dois l'admettre, c'est une réalité hallucinante !
J'aimerais tant croire que ce paysage, qui s'est dessiné sous un flot de lumière médiatique, soit réel.
J'ai besoin d'imaginer ces pancartes, qui interdisent l'accès à mon corps de femme d’entrer au temple, en route vers les musées des mœurs...
De croire qu'il y a la possibilité de me rendre sur ces collines qui, jusqu'à maintenant, étaient réservées aux hommes...
De ressentir cet effet émotion, inconnu jusque-là, quand tes parents t'appellent « la nôtre » et ne te regardent plus comme ce « corps étranger » qui vit au sein de leur famille, ou comme un « bien d'autrui » maudit...
C'est du délire. Je ne suis qu'une femme.
Une âme pas assez « élevée » pour être née avec un corps d'homme, ou pire, un homme déchu à cause des péchés commis dans ma vie antérieure.
On me dira que je n'accepte pas ce que je suis, que je fais semblant d'avoir un corps d'homme, que je dois essayer d'être une « bonne » femme pour devenir enfin un homme dans ma prochaine réincarnation...
Je ne veux pas être un homme ! Ni dans cette vie, ni dans une autre...
JAMAIS !
Je me sens saisie par une folle envie de crier, mais ma voix ne peut que devenir un hurlement muet, incapable de franchir la voie du raisonnable.
Une femme n'est qu'une chrysalide...
Comment, et pour quelle raison absurde, peut-elle refuser d'être un papillon, rejeter un avenir ?
Je suis consciente de cette impossibilité de me faire entendre.
À l'école, on enseigne toujours cette histoire dans laquelle on prescrit de l'eau pour faire taire la femme, afin d'éviter toute dispute.
Malgré ce silence imposé, j'essaie, dans mon fantasme, de me regarder en face et de ne plus me
souvenir que Madame la Présidente, non plus, ne croit pas aux droits des femmes.
L'égalité entre les hommes et les femmes est une idée occidentale, « pas compatible » avec la culture du pays, disait-elle.
Je l’imagine, comme nous tous d’ici, dans un berceau, parfois dans les bras de sa maman ou de sa nourrice, en train de dormir au rythme d’histoires semblables. Sans jamais en saisir le sens. Ainsi, d’épopée en épopée sans cesse, elle a dû apprendre que « le genre masculin est le meilleur des espèces », que les femmes ne peuvent jamais prétendre à avoir les mêmes droits que les hommes...
@Chand, 2015
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